D’année en année, le parcours de cette courte randonnée qui nous mène du plateau Umauma vers les vasques cachées de la rivière Tepimaiateta est victime de la fureur des éléments durant la saison des pluies. Au cours de la période d’accalmie qui suit, les vadrouilleurs découvrent souvent, et à leur grande stupeur, un chambardement qui laisse pantois… Ici, au cœur de la grande vallée de la Papenoo, plus qu’ailleurs à Tahiti, on ne compte plus les arbres arrachés, les rochers déplacés, les sentiers inondés, et autres éboulements… Un phénomène constant qui illustre, avec cette excitante appréhension qui l’accompagne, que Dame Nature est réellement omnipotente…
Peu après 8h30, nous sommes une petite dizaine à attaquer la raidillon, juste avant la première centrale hydro-électrique de la Papenoo qui nous emmène au sommet du premier plateau, celui de Titiafaatau. L’ascension est assez raide, juste de quoi rappeler que la pratique de la randonnée, au delà du plaisir qu’elle procure, est également un sport. Heureusement, le sommet n’est pas loin… Quelque 30 minutes plus tard, nous y voici. Le fa’apu du plateau semble abandonné momentanément, son chemin d’accès ayant subi les outrages de la précédente saison des pluie. Nous escaladons, sans trop de difficultés, les innombrables arbres et arbustes couchés, cassés, pliés, qui obstruent le chemin… La progression se poursuit une heure durant jusqu’au point de vue du plateau de Umauma, qui offre une perspective intéressante sur le cours supérieur de la Papenoo vers la Maroto. C’est le moment de se préparer à attaquer la descente vers la Tepimaiateta. C’est aussi à ce moment que la pluie, qui s’était fait discrète jusqu’alors, s’est invitée à la balade… Sans réelle difficulté, cette déclivité se négocie avec la prudence qui s’impose, d’autant que l’averse passagère s’installe durablement, brouillant quelque peu la visibilité des marcheurs.
Nous arrivons ainsi sans encombre mais trempés au bas du raidillon pour emprunter vers la droite le sentier qui se présente à nous et nous diriger vers le fond de la vallée de la Tetimaiateta. Nous franchissons le torrent pour pique-niquer non loin de la belle cascade “en pluie” dont le débit est plus fort que d’habitude… Un signe que nous entrons désormais dans la saison des pluies, et ce pour au moins quatre mois… Nous serons hélas seulement six à partir vers la cascade finale de la vallée, quelques-uns d’entre nous préférant se reposer en attendant notre retour. Au bout de dix minutes, la vallée se rétrécit pour bientôt offrir aux yeux émerveillés des « rescapés » le spectacle d’un défilé imposant, unique à Tahiti… Peu après, nous voilà contraints de progresser à la nage, les derniers hectomètres nous séparant de la cascade finale se présentant sous la forme de plusieurs vasques successives, larges d’à peine quelques mètres… Les parois de la falaise encadrant le défilé s’élèvent elles à près de 100 m au-dessus de nos têtes. Un intense bonheur s’empare de nous. L’eau vive, en de début de saison des pluies, est vivifiante. Après avoir profité un long moment de la grande vasque finale, nous rejoignons nos compagnons avec le sentiment, assez troublant, d’avoir vécu “quelque chose de différent”…
Le sentier nous ramène désormais en un peu plus d’une demi-heure sur la route de la Papenoo, en amont du premier gué. Là aussi, de nombreux arbres arrachés perturbent le rythme de la progression, démontrant qu’au plus fort de la saison chaude, notre actuel théâtre de jeu doit se transformer en enfer. Les gais lurons que nous sommes se retrouvent rapidement aux véhicules laissés 3 km en contrebas, au bord de la route principale. Il est à peine 15h00, et c’est déjà le moment de quitter cette vallée aux mille trésors !