DIM 7 AOUT : Au cœur de la caldeira, à défaut de la Te Faaiti

Arrivés à l’entrée de la Papenoo, nous constatons que le feu du poste de contrôle est rouge et que le niveau d’eau dans la rivière est plutôt haut… Conformément à la réglementation, nous ne pouvons donc pas remonter la Te Faaiti, des lâchers de barrage de Marama Nui étant en cours pour la journée. Qu’à cela ne tienne, nous resterons sur la piste principale. Ainsi, nous allons remonter à pied sur une dizaine de kilomètres la vallée, en nous arrêtant de part et d’autre pour admirer les entrailles volcaniques de la grande caldeira de l’île.

 

La météo est superbe et pas une goutte de pluie ne viendra ternir la journée. Juste avant le grand radier, nous faisons une halte au marae et remontons jusqu’à la cascade supérieure. Un endroit serein qui nous autorise une pause rafraichissante. Puis, peu après midi, nous nous arrêtons au bord de l’eau pour prendre notre collation, en compagnie des innombrables puhi qui jouent à remonter le fort courant en observant les visiteurs du moment d’un œil amusé.

 

Après une petite sieste pour quelques-uns, nous revenons sur nos pas pour rejoindre les véhicules. Un retour joyeux et animé, alimenté par les innombrables conversations qui vont bon train. Une nouvelle journée au cœur de la nature bienveillante de Tahiti…
Bonne rentrée scolaire aux enfants, et à quelques parents enseignants et membres du club (l’un n’empêchant pas l’autre…) !

Photos : Nathalie

En dernière heure, Vincent nous a livré avec un plaisir non dissimulé son appréciation de cette journée, visiblement mémorable pour lui. Il est vrai que les compte-rendus manquent parfois de vécu. Et là, le blog revient à son rôle initial, celui de permettre à tous les membres de livrer leurs impressions à chaud… Voilà sa propre vision de cette journée très agréable, entre personnes de bonne volonté et d’un bon esprit (merci Richard, private joke) :

Comment Jean-Philippe m’a initié à la conduite de brousse

La randonnée mène à tout… Celle de ce dimanche 8 août avait pourtant bien commencé. Une randonnée plutôt ordinaire, presque trop facile. Vallée de la Papenoo ! Un chemin plat et large comme un boulevard. Ma grand-mère aurait pu le faire, quoi que les impressions sont parfois trompeuses : quand on marche, et surtout quand on marche en écoutant Jean-Philippe raconter l’histoire de Tahiti, on évalue mal les obstacles qui se dressent sur le terrain.
Après les retrouvailles à 8h30, le groupe doit être amené jusqu’au point de départ. Jean-Philippe prend sa voiture tout terrain, et moi mon vénérable Duster. Le chef se lance à toute allure sur la piste cabossée, tel un héros de Daktary (référence réservée aux plus de 50 ans). J’ai du mal à le suivre… Je roule lentement en essayant maladroitement d’esquiver les trous et de franchir les bosses. Mon manque d’expérience déconcerte l’une des passagères de la voiture conduite par Jean-Philippe (je ne dirais pas qui…) : « Mais il fait quoi, le Belge ? ». Grâce à Dieu, je ne suis pas Belge, mais j’avoue avoir traîné lamentablement sur cette piste de savane, d’autant que mon épouse est sur le point de tétaniser, poussant à chaque grincement des hurlements de bête battue.
Mais nous finissons par arriver au point de départ de la randonnée pédestre. Rapidement, les voitures sont garées et le groupe part en quête des découvertes promises. Le parcours se passe bien. On longe les parois du volcan. Cascades et paysages à couper le souffle. Beau temps malgré les quelques nuages bas qui s’amoncèlent sur les sommets.
A un moment, on a perdu de vue Laura lorsque le groupe a quitté la piste pour admirer une jolie petite cascade, juste derrière le marae du coin. Aurait-elle renoncé face à la difficulté, il est vrai que le sentier n’était pas simple ? Mais elle nous attendait sagement au marae… Notre groupe reprend sa marche jusqu’au coin pique-nique. La pause déjeuner est très appréciée, ainsi que la courte sieste qui suit. Et c’est dans la bonne humeur qu’on reprend le chemin dans l’autre sens jusqu’aux voitures. Bilan de la marche : 19 km. Pas si mal. Le groupe n’est pas fatigué, mais tout le monde est bien content de rentrer.
Et c’est là que tout déraille… Rapidement, on comprend que quelque chose dysfonctionne. Un signe ne trompe pas : Jean-Philippe a cessé de parler. Le voilà qui regarde consciencieusement l’intérieur de son sac. Puis il se met à tourner frénétiquement autour de sa voiture en scrutant attentivement les herbes. Il gratte le sol par endroit et lève la tête vers le ciel, comme s’il priait. Après trois tours successifs, il reprend son sac et se met à le fouiller encore plus violemment, avant de le vider entièrement en proférant des grognements qui ressemblent à des formules rituelles polynésiennes. Il a les traits tirés. Le groupe fait silence. Tout le monde comprend instinctivement que quelque chose de grave est arrivé. Il faut alors se rendre à l’évidence : le chef a perdu les clefs de la bagnole. C’est une faute bête, une erreur de débutant. D’une voix faussement enjouée, Jean-Philippe suggère une hypothèse : les clefs de la bagnole seraient restées là où on a mangé, à environ 9 kilomètres en amont.
Plusieurs membres du groupe se mettent à pleurer. J’entends quelqu’un qui murmure quelque chose comme « exécution publique » ou « sacrifice humain ». Heureusement, Nathalie son épouse, en femme avisée, est compréhensive. Elle prend sur elle de calmer les esprits, même si son regard me fait songer à celui d’un tueur en série. De mon côté, j’ai retrouvé mes clefs, mais je sens que les regards se font pesants. Je devine quelle va être la suite, alors j’essaie de me faire tout petit. Mais la pression du groupe est trop forte. Quelqu’un a beau lancer un joyeux « et si on y retournait en courant ? », personne n’y croit, et dix paires d’yeux angoissés reviennent se poser sur moi.
Après avoir difficilement dégluti, je dis doucement. « Bon, ben, c’est pas grave, je vais conduire Jean-Philippe jusqu’au lieu du pique-nique ». J’ai un instant le fol espoir d’entendre le groupe me répondre : « mais non Vincent, pas de souci : Jean-Philippe va bien se débrouiller tout seul puisque c’est un grand marcheur et que c’est quand même lui qui a fait la boulette ». Mais non, le groupe ne me suit pas. J’entends : « Merci Vincent, c’est vraiment super de te sacrifier pour le groupe ». « Oui, pour un Belge, c’est très courageux ». « Vive Vincent ! », hurlent les autres. Quant à Jean-Philippe, c’est avec des yeux pleins de reconnaissance qu’il me lance : « Mais tu sais, si tu ne le sens pas, je peux prendre le volant ». Je jette un œil à mon épouse qui, très attachée à sa voiture, s’empresse de refuser cette option.
Et nous voilà donc partis sur la piste, moi au volant, Jean-Philippe à la place du copilote, et ma fille Amandine à l’arrière, curieuse de savoir ce que va donner cette expérience inédite. Jean-Philippe se veut rassurant et pédagogue. « Ne t’inquiète pas, ça va être facile. L’astuce, c’est de braquer les roues pour passer les monticules en biais afin d’éviter de tâcler à l’arrière ». Ah bon, on peut toucher à l’arrière ? « Et dans les montées raides, tu restes en première, comme ça aucun risque de manquer de puissance et de dévaler en marche arrière ». Ah bon, parce qu’on pourrait s’écraser ?
Je mentirais en disant que je n’ai pas eu peur à plusieurs moments. Mais en suivant scrupuleusement les conseils de Jean-Philippe, j’ai fini par prendre de l’assurance et même un peu de vitesse.
Au bout de 30 minutes de ce calvaire initiatique, nous parvenons à l’endroit du déjeuner. Amandine hurle aussitôt : « Là, je vois les clefs ! ». Elle a raison, le trousseau est bien visible sur un rocher. Bizarre. Comment le chef a-t-il pu les rater ? Un doute naît en moi : et si Jean-Philippe avait laissé ses clefs volontairement ? A-t-il pensé que j’avais besoin d’une formation de pilote de brousse, qui ne peut se faire qu’entre hommes ?
Je n’ose l’interroger sur cette hypothèse, mais il me lance un clin d’œil complice. Dans le doute, je hoche la tête en signe de remerciement viril pour cette leçon improvisée.
Trente minutes plus tard, nous voilà de retour à sa voiture. Les autres ne nous ont pas attendus et sont revenus à pied jusqu’à l’entrée de la vallée. Chacun dans sa voiture, Jean-Philippe et moi reprenons la route jusqu’au point de départ. Cette fois, je parviens presque à le suivre. « Te voilà prêt pour le Paris-Dakar », me dira-t-il à l’arrivée en me tapant fortement sur l’épaule.
Finalement, je ne sais pas qui a une dette envers l’autre. Est-ce lui qui me doit quelque chose pour lui avoir évité de retourner à pied chercher ses clefs, ou est-ce moi qui lui suis redevable de m’avoir initié à la conduite tout terrain ?
Dans le doute, j’en conclus que nous sommes liés pour la vie.

Merci à tous pour cette belle journée.

Vincent

Une réponse sur “DIM 7 AOUT : Au cœur de la caldeira, à défaut de la Te Faaiti”

  1. Super, merci Vincent ! Je suis certain que ton initiative va beaucoup plaire à l’ami Jeff, grand ordonnateur et créateur du blog de Avae Tere Tere, aujourd’hui en France. Il aime à le répéter : ce blog est le vôtre. Commentez, annotez, en un mot, impliquez-vous dans votre blog !

Répondre à Jean-Philippe Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.